LEPERLIER Antoine
Né en / Born in 1953 – France –
Musée des Arts Décoratifs, France.
Corning Museum, USA.
Musée de Meisenthal, France.
Musée Unterlinden de Colmar, France.
Hokkaido Museum of Modern Art, Japon.
Musée Ariana de Genève, Switzerland.
Musée de design et d’arts appliqués contemporains, Lausanne, Switzerland
Musée de Sèvres, France.
Musée d’Art Moderne de Mulhouse, France.
Alexander Tutsek-Stiftung Glass Foundation Munich Germany.
Albert Museum, Londres, GB
Galerie Internationale du Verre, Serge Lechaczynski, Biot, France.
Les oeuvres de LEPERLIER Antoine
Actuellement, je travaille à leur association, en considérant avant tout la dimension symbolique de leurs qualités physicochimiques propres.
Le verre est une structure amorphe soumise au flux et à la réversibilité, alors que les matériaux céramiques le sont au fixe et à l’irréversibilité. Le verre, « fluide », renvoie au temps qui passe, durée qu’on ne peut saisir, alors que les matériaux céramiques, « fixés », renvoient au temps cristallisé de la mémoire.
Il s’agit pour moi de me mettre à l’écoute, non pas de la terre, non pas du verre en tant que matières, mais en tant que matériaux, car c’est dans le processus même par lequel ils sont mis en forme qu’ils révèlent le sens dont ils sont porteurs.
Pour moi, ils recèlent une idée du temps que je cherche à mettre à jour.
“En art il est aussi difficile de dire quelque chose que de ne rien dire” Ludwig Wittgenstein.
Ces dernières années, j’ai beaucoup tourné autour d’un oxymore, celui du fleuve et de la stèle associés dans une même image. Deux états contradictoires de la nature du temps, le flux et le fixe, que j’ai tenté de mettre en forme : le crâne mou, par exemple, synthèse impossible de l’os et de la chair.
Je travaille actuellement sur une association de la terre et du verre, considérant leurs qualités propres. C’est bien à une rêverie technique à laquelle je me livre en ce moment, pour paradoxal que cela soit !
Le verre en tant que structure amorphe est soumis au régime du flux et de la réversibilité, alors que la céramique, du fait de sa structure cristalline créée par réaction physico-chimique lors de sa cuisson, est quant à elle soumise à celui du fixe et de l’irréversibilité.
J’ai déjà dit qu’il s’agissait pour moi de me mettre à l’écoute, non pas de la terre, non pas du verre en tant que matière, mais bien en tant que matériaux ; car c’est bien dans le processus même par lequel ils sont mis en forme qu’ils révèlent le sens dont ils sont porteurs. Ils recèlent selon moi une idée du temps que je cherche à mettre à jour.
Nulle autre matière que le verre n´est plus à même de nous faire parvenir simultanément à l´intérieur et à l´extérieur. C´est en franchissant cet obstacle transparent, que nous passons du réel à l´imaginaire, de l´espace physique à l´espace mental.
Derrière une vitre, le monde prend ses distances, il se donne à voir comme un souvenir, comme une image à la fois proche et lointaine qui nous plonge dans des rêveries mélancoliques.
Le verre est au temps ce que le bronze et le marbre sont à l´espace : il confère une matière à l´espace mental, une chair à la durée.
Gilles Deleuze - Logique de la sensation
« En termes de physique moléculaire, le verre est techniquement différencié d’un solide cristallin et des états liquides en ce que la configuration de ses molécules est à la fois structurée et désordonnée, partageant ainsi tout à la fois les propriétés d’un liquide (bien qu’il soit solidement constitué) et celles d’un solide (en dépit de l’absence de structures régulières). Le médium d’élection d’Antoine Leperlier se caractérise par sa viscosité - celle-ci étant définie par le degré de résistance à l’écoulement, dont l’unité de mesure est la poisse.
Par ses comportements physiques, en tant qu’état de la matière, le verre est propre à exprimer les conceptions philosophiques opposées de la dynamique chez Héraclite (liquide, flux) et chez Parménide (solidité, permanence, fixité), données essentielles de la philosophie grecque ancienne, pour laquelle justement se passionne depuis toujours Antoine Leperlier. La relation entre idée et matière ouvre ici un horizon nouveau, celui d’une substance méditative ou d’une technologie imaginative. »
Andrew Brewerton © 2006
Extrait du texte pour le catalogue de l’exposition « Antoine Leperlier-Métaphysique du verre ».
Musée National de Céramique. Sévres.2007
Andrew Brewerton est Directeur du Dartington College of Arts (UK), et professeur honoraire des Beaux Arts à l’université de Shanghai (Chine)
Si, dans le monde à trois dimensions, les ombres portées sont à deux dimensions, on peut
imaginer que dans le monde à quatre dimensions de la mémoire, les ombres sont à trois dimensions. Et de même que nous sommes attachés à notre ombre dans l’espace, nous sommes dans le temps attachés à nos souvenirs.
Je cherche à mouler dans le verre ces images que notre durée projette dans la mémoire; images du temps qui “s’incarne” en y laissant sa trace, son ombre portée (en anglais, cast shadow, ombre
portée/moulée).
Ces ombre-souvenirs, formes du vide et de l’absence, empreintes rendues visibles par la
transparence du verre sont comme autant de reliques qui signalent qu’ici quelque chose a été perdue qui fut proche.
La mémoire est comme un reliquaire de cristal transparent au cœur duquel la durée sculpte des images.
Antoine Leperlier